Sortie de crise : un redémarrage vif, une reprise plus modeste

Publié le 06/05/2021

06/05/2021 - Alan Lemangnen, Economiste France, Société Générale

L’économie française a fait preuve d’une étonnante résilience face au choc pandémique. L’appareil productif ayant été globalement préservé en 2020, le redémarrage sera vif cette année. Mais à plus long terme, nos prévisions sont prudentes : la reprise sera bien là, mais pourrait être plus modeste que ce qu’anticipe le consensus.

Une résilience étonnante 

La performance de l’économie française a surpris les économistes à trois égards en 2020. 

D’abord, le revenu a baissé beaucoup moins qu’anticipé. Alors que les plus pessimistes attendaient une contraction de 13,5 % sur l’année, le PIB n’aura reculé « que » de 8,2 %. L’économie a terminé l’année
5 % en-deçà de son niveau d’avant crise, une meilleure performance que le reste de la zone euro. 

Ensuite, la vague de défaillances d’entreprises tant crainte n’a pas eu lieu. Leur nombre a baissé de 45 % sur l’année, recul qui a concerné tous les secteurs et toutes les régions sans exception, et plus particulièrement les PME.

Enfin, la baisse de l’emploi a été moins importante que prévu. L’économie française a détruit 310 000 emplois en 2020 ; c’est autant qu’en 2009 alors que la contraction du PIB a été trois fois plus forte en 2020. 

Premier facteur explicatif de cette résilience, le coût des mesures de confinement a diminué avec le temps, signe d’un calibrage plus fin mais aussi de l’adaptation des agents au contexte sanitaire. Ainsi, le premier confinement a coûté 16 Mds EUR par semaine, contre 3,5 Mds EUR pour le troisième.

Deuxième facteur explicatif, les mécanismes de soutien semblent avoir été efficaces. Par exemple, des économistes du Trésor ont estimé que les mesures d’urgence ont permis de réduire de 12 points de pourcentage la part des entreprises illiquides en 2020 par rapport à un scénario sans soutien public et de 5,3 points la part des entreprises insolvables1

Un redémarrage rapide, une reprise plus modérée

Cette résilience facilitera le redémarrage lors de la levée des mesures sanitaires. C’est ce qui fut observé dans le sillage du premier confinement : le PIB avait rebondi de 18,5 % au T3 2020. Nous pensons que ce scénario se répétera en 2021 : à 6,5 %, notre prévision de croissance est ainsi supérieure aux attentes du consensus (5,3 %).

Mais à plus long terme, ce redémarrage mutera-t-il en reprise pérenne ? Là, nous sommes plus prudents. Il est très probable qu’une partie des 100 Mds EUR d’épargne accumulée en 2020 par les ménages devienne durable. D’abord car le chômage risque d’augmenter à partir de 2021, ensuite car ce surcroît est concentré chez les ménages dont la propension à consommer est plus faible, à savoir les ménages les plus aisés2

De même, la crise a fragilisé les fonds propres des entreprises. Certes, les prêts participatifs, d’un montant potentiel de 20 Mds EUR, renforceront les bilans. Toutefois, il est encore difficile d’évaluer si cela sera suffisant pour garantir un rattrapage rapide de l’investissement. 

Enfin, à partir de 2022, la politique budgétaire pourrait devenir restrictive. Le gouvernement prévoit ainsi une consolidation de 2,2 points de PIB en 2022. C’est un effort considérable. 

Tabler sur une croissance de 4 % en 2022 comme l’attend le consensus semble dès lors optimiste. Un chiffre deux fois moins élevé nous semble plus raisonnable. Pas de quoi vraiment remettre en cause la reprise, donc. Mais celle-ci serait simplement un peu plus modeste.  

 

1 HADJIBEYLI B., ROULLEAU G., BAUER A. (2021), L’impact de la pandémie de Covid-19 sur les entreprises françaises, Trésor Eco N°282, Avril 2021

2 D’après une étude publiée par le CAE en octobre 2020, près de 70 % du surcroît de 50 Mds EUR de l’épargne accumulé à août 2020 est le fait de 20 % des ménages, ceux des déciles de revenu les plus élevés. 

 

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